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LES KUKAS
Objets de perles




Dans le monde préhispanique, les diverses offrandes artisanales étaient réalisées avec des pierres semi-précieuses ( jade, turquoise, pyrite), du corail, de l'argile, divers types de coquillages, des éléments fabriqués en or, en os, et des graines … La coloration provenait alors d'insectes ou de teintures végétales.

Parure de cou en perles / 50 x 10 cm

Parure de cou en perles / 50 x 10 cm




Avec la conquête furent introduites les perles en verre et les chaquiras petites pierres travaillées et peintes de diverses couleurs. Ces nouveaux matériaux s'intégrèrent à la tradition de l'élaboration des objets décoratifs d'une part, des objets votifs et rituels d'autre part.




Cuadro en perles de l'artiste Jacinto Lopez / 60 x 60 cm

Cuadro en perles de l'artiste Jacinto Lopez / 60 x 60 cm




La cire d'abeille de Campeche, avant de servir de support aux décorations faites en brins de laine ou à l'aide de perles était utilisée pour coller des figurines en bas-reliefs à l'intérieur de calebasses découpées, ou sur des morceaux de bois de forme plus ou moins circulaire. Au fond des bols perlés et des coupelles (jicara en espagnol, rakure en huichol), les perles permettent de représenter des motifs alors utilisés comme offrandes aux Divinités. Les Huichols considèrent que lorsque l'on boit dans ces bols, les Dieux boivent la requète du croyant et comprennent mieux la prière. La couleur définit la Divinité sollicitée : le bleu signifie Rapawiyeme (Rapa est l'arbre de la pluie), le rouge indique Wirikuta, lieu d'apparition du peyote, le noir représente l'océan pacifique, lieu du grand serpent de la pluie.





Coupelles et Soleil en perles

Coupelles et Soleil en perles

Utilisées à des fins religieuses, ces kukas "objets de perles" et toutes les autres offrandes - calebasses, bâtons, colliers, bracelets, coupelles, flèches votives, nourriture et pierres couvertes de signes symboliques … - servaient et servent encore aujourd'hui pour dédier des ex-voto aux dieux et aux Ancêtres. Les pèlerins huichols les placent dans les lieux de culte (au fond d'une grotte, au bord d'une lagune, au sommet d'une colline ou auprès de l'océan…) pour supplier une déité particulière de leur prêter la vision surnaturelle qu'elle possède.







Chacun de ces lieux sacrés est dépourvu d'édifice (ni temple, ni autel, ni pyramide), parce que l'homme offre directement à la nature, et l'importance de son geste réside dans l'acte que symbolise son offrande. Les bols votifs sont des supports d'offrandes et des convoyeurs de prières : les dieux, venant se désaltérer dans ces bols, boivent les suppliques qui y sont déposées. Chaque famille dispose d'au moins une coupe dont le décor varie en fonction des prières et des souhaits. Les bols cérémoniels, par leur motifs et les associations d'objets, représentent les ancêtres déifiés. Ils sont transportés durant des parcours rituels et aspergés, entre autres substances vitales, de sang d'animaux sacrifiés et d'eau de sources sacrées.




Bol Votif de la communauté huichol Tateikie de San Andres Cohamiata / Quai Branly-Paris

Bol Votif de la communauté huichol Tateikie de San Andres Cohamiata / Quai Branly-Paris

Tatei Niwetsika, notre mère le Maïs

Tatei Niwetsika, notre mère le Maïs

Bol Cérémoniel représentant Tatei Niwetsika, notre mère le Maïs, de la communauté huichol Tateikie de San Andres Cohamiata / Quai Branly-Paris

Bol Cérémoniel représentant Tatei Niwetsika, notre mère le Maïs, de la communauté huichol Tateikie de San Andres Cohamiata / Quai Branly-Paris








LES TABLAS
Tableaux de Fils



Les Huichols ont attiré l'attention sur leur culture, par le vecteur particulier de leur art. De tradition orale et n'utilisant pas l'écriture, ils ont élaboré des tableaux "historiques" ou tableaux sacrés pour préserver les croyances ancestrales et les cérémonies rituelles. Ainsi, au travers des tablas, les tableaux de fils de laine, ils transcrivent et archivent leurs connaissances spirituelles, expriment leurs sensations religieuses et leurs croyances les plus profondes. Leur " peinture " - qui en fait n'en est pas une puisqu'il s'agit de fils collés sur un support de bois - est donc beaucoup plus qu'une expression esthétique.


"Ces objets étranges et remarquables peuvent susciter une émotion esthétique sans forcément être compris. L'important est de provoquer par cette admiration le désir de comprendre et d'apprendre, notamment que de telles œuvres sont chargées d'une symbolique qui va beaucoup plus loin que leur qualité formelle. L'émotion esthétique devant un bel objet n'est d'ailleurs pas étrangère au monde indigène, mais l'art n'y est pas, comme chez nous, un concept isolé de la vie sociale." Louis Donisete Benzi Grupioni, commissaire de l'exposition Trésors d'Amazonie / indiens du Brésil 2005



























L'évolution des "peintures" sacrées a débutée il y a une cinquantaine d'années pour atteindre sa maturité actuelle. Jusqu'alors, cette technique était utilisée uniquement sur un support originel, appelé la Nierika, offrande traditionnelle, magique et sacrée. Elle consiste en une petite tablette ronde ou carrée percée d'un orifice en son milieu. Ces tablettes sont enduites, sur une ou deux faces, d'un mélange de cire d'abeille et de résine de pin sur laquelle sont collés des fils colorés pour représenter des motifs (à valeur symbolique forte) mais pas forcément de scène. On les trouve dans tous les lieux sacrés tels que les temples, les fontaines et les cavernes. De nos jours, du fait de la disponibilité commerciale de nombreuses fibres, et de l'attractivité économique que procure aux Huichols la vente de ces tableaux à un public grandissant et conquis, ces "peintures" ont évolué vers un travail fantastique de finesse et de recherche, sur des plaques de bois plus grandes et en des scènes plus majestueuses.





Tablas anciens en laine / Musée d'antropologie de Mexico

Tablas anciens en laine / Musée d'antropologie de Mexico

Les tableaux de laine et les masques en perles racontent et interprètent les légendes et les exploits des ancêtres huichols, immortalisant ainsi la mythologie de ce peuple, et témoignant de son mode de vie, de ses croyances. D'un point de vue symbolique, le tableau est considéré comme un champ prêt à recevoir les semences du maïs, du haricot, de la calebasse et de l'amarante, également comme un lit sur lequel les dieux ancestraux viendront se reposer… D'un point de vue technique, la fabrication des tableaux de laine est la suivante : le support des tableaux est une planche de bois, dont la dimension est variable, recouverte d'une fine couche de cire d'abeille collante. La cire de Campeche est appliquée sur le bois à la main, après qu'on l'ai faite chauffer au soleil pour la rendre plus malléable.





Pour délimiter le tableau, cet espace sacré, on commence par établir ses marges en constituant un cadre avec trois couleurs contrastantes, chacune d'elles comportant en général quatre rangées, qui vont déterminer le choix des autres teintes. L'artiste trace ensuite le contour des esquisses dans la cire en s'aidant d'un couteau ou de son ongle. Avec le pouce, il dispose sur la cire le brin de laine aux couleurs avivées par l'aniline. Une couleur domine l'ensemble des éléments représentés et les met en relief. Une ou plusieurs couleurs viennent couvrir les espaces vides.




Tabla en laine de l'artiste José Bénitez Sanchez / 120 x 120 cm

Tabla en laine de l'artiste José Bénitez Sanchez /
120 x 120 cm

Les couleurs utilisées lors de la réalisation des tableaux de fils de laine, aussi bien que celles des masques de perles, leurs combinaisons, et les formes mêmes, évoquent le monde et les exploits de plusieurs déités telles que le dictent les visions des artistes, éveillées parfois par l'expérience catalytique du peyotl ou du kieri, les plantes des dieux, aux effets psychotropes. Cela ne signifie pas que les artistes travaillent forcément sous l'effet de ces substances, mais que le tableau, comme résultat final, est la synthèse de l'univers appréhendé lors des différentes actions rituelles.




Le terme nierika désigne généralement le dessin d'une figure ronde, parfois au centre du tableau, et plus particulièrement celui de Tao, le Soleil. Ce cercle a un trou en son centre, du moins symboliquement, et celui-ci est considéré comme un intermédiaire de la communication avec le sacré, un oeil magique par lequel l'homme et les Dieux peuvent se voir. Parfois ce cercle est couvert d'un petit miroir rikuri. Ce miroir est censé attirer l'attention des dieux, alors "obligés" d'honnorer la scène représentée sur le Nierika. Par exemple, offrir une Nierika à la Déesse Mère ou à la divinité de la pluie assure l'arrivée de la pluie, mais d'autres rituels doivent accompagner cette offrande.




Ce miroir symbolise également la vision de la profondeur des choses et leurs causes. C'est le miroir intérieur de la personne, poli par l'expérience sacrée, un instrument magique de la vision qui lui permet d'accéder à l'essence véritable de toutes choses. Aussi, les tableaux témoignent-ils de ce que l'artiste arrive à voir de son miroir personnel. Dans cette démarche, l'exercice conjoint de kupuri - la force vitale de l'âme reçue à la naissance par la fontanelle - et de iyari - le cœur spirituel et profondeur de la pensée, de la mémoire individuelle et collective - est nécessaire.



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